L’accord d’Alger de 2015 remis en cause par Bamako
La destruction d’un drone malien par l’Algérie, suivie de la fermeture de son espace aérien, marque un tournant dans les tensions entre Alger et Bamako. En toile de fond : la rupture par le Mali de l’accord de paix de 2015, et la fragilisation de la coopération régionale au Sahel.
Vers une dégradation durable de la coopération régionale ?
Le 7 avril 2025, Alger a annoncé la fermeture de son espace aérien aux vols en provenance ou à destination du Mali, dénonçant des « violations répétées » de sa souveraineté. Cette décision fait suite à l’interception d’un drone de reconnaissance malien, abattu à deux kilomètres à l’intérieur du territoire algérien, près de Tinzaouatine, localité frontalière sensible (BBC, 08/04/2025).
Bamako a rejeté l’accusation, assurant que l’appareil effectuait une simple mission de surveillance et s’est écrasé par accident. La junte malienne a convoqué l’ambassadeur d’Algérie et annoncé son intention de porter plainte devant des instances internationales. En réaction, les autres membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) le Burkina Faso et le Niger ont rappelé leurs ambassadeurs en poste à Alger, dénonçant un « acte prémédité » et « hostile », contraire aux relations historiques entre les peuples (BBC, 08/04/2025).
Cet incident vient aggraver une situation déjà dégradée depuis la rupture, le 25 janvier 2024, par le Mali de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Signé en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord, cet accord soutenu par l’Algérie visait à stabiliser le pays par la décentralisation, l’intégration des ex-combattants et des programmes de développement spécifiques. Le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition, a justifié cette rupture par un « changement de posture » des groupes signataires et des « actes d’hostilité » d’Alger, médiateur de l’accord (BBC, 26/01/2024).
Huit ans après sa signature, l’accord était largement en panne. Selon le Centre Carter, moins de 30 % de ses dispositions avaient été mises en œuvre en 2022. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), principale force signataire, accusait les autorités de transition de bloquer le processus, notamment sur le désarmement et l’intégration des ex-rebelles (BBC, 26/01/2024).
Pour Ahmedou Ould Abdallah, président du Centre pour la Stratégie et la Sécurité dans le Sahel-Sahara, cette détérioration des relations entre Alger et Bamako ne peut que profiter aux « mouvements terroristes et aux trafiquants », dans un contexte où la coopération régionale s’effondre (BBC, 08/04/2025).
Alors que les tensions militaires s’accentuent dans le nord du Mali, avec la reprise annoncée des anciens camps de la MINUSMA par l’armée malienne, la CMA a déclaré être « en temps de guerre » avec la junte. Les risques d’escalade sont réels, selon l’expert Alpha Alhadi Koïna, qui appelle à une reprise urgente du dialogue (BBC, 26/01/2024).