Smartphones : de la prouesse technologique au scandale humanitaire et environnemental

18.11.2022

Article rédigé par Francesca Corlay (diplômée du Bachelor en relations internationales de l’ILERI) et Justine VAN MINDEN (étudiante à SciencesPo Aix – Cyberwings), sous la direction de Julien Valiente, professeur à l’ILERI.




L’exploitation de minerais rares en provenance d’Afrique centrale et d’Asie pour la fabrication de nos appareils technologiques est au cœur d’un vrai scandale géologique environnemental et humanitaire – Focus sur les problématiques liées à l’extraction de ces « terres rares » dans la région du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo – Juillet 2019

Productivité, gain de temps, connectivité, innovation, design… autant de mots et concepts auxquels notre inconscient se rattache lorsque nous tenons en mains nos précieux ordinateurs, tablettes et autres appareils intelligents. Du fait de notre méconnaissance du processus de fabrication (ou grâce à la superbe performance des services marketing des entreprises créatrices de ces « joyaux technologiques ») nous associons exclusivement notre outil à ses capacités, son apparence, son prix et nous nous détachons presque totalement de son origine. Éclairés sont ceux qui osent aborder le tabou de l’obsolescence programmée ou des entreprises oligopolistiques qui se partagent un marché juteux de consommateurs à l’affût du dernier modèle de smartphone disponible ! Mais combien d’entre nous ont essayé d’apercevoir le revers de la médaille et se sont questionnés sur la provenance de ces objets ? A l’heure de la mondialisation, de la division internationale du travail et de la division internationale du processus de production, il faut se représenter la construction d’un smartphone comme un puzzle complexe, dont les pièces sont éparpillées dans plusieurs pays et entre les mains de multiples acteurs. De la coque jusqu’aux métaux utilisés pour souder les composants électroniques incorporés à l’objet (et qui sont d’ailleurs dans la plupart des cas désormais inaccessibles et invisibles, à moins de démonter soi-même sa machine, au risque de ne plus être couvert par la garantie d’achat), de multiples procédés s’enchevêtrent et des étapes se superposent jusqu’à l’assemblage, le conditionnement et la distribution, qui ne sont que les dernières phases d’un long processus.

 

Quel est le point commun entre T. Cook (directeur général de l’entreprise Apple, successeur de Steve Jobs), M. Hong (employé de l’usine d’assemblage de Shenzhen, Chine) et A. Akono (12 ans, travailleur congolais dans la mine de Bisié, en République démocratique du Congo) ? Si l’on ne peut les regrouper sur des critères linguistiques, ethniques, géographiques ni économiques et sociaux, on peut en revanche mentionner leur dénominateur commun : ils sont tous trois indispensables à la mise au monde de nos chers smartphones et tablettes. Prenons le cas de l’iPhone 6 : sa composition chimique est complexe, néanmoins, il est nécessaire d’insister sur l’origine de certains de ses composants. Le câblage interne au téléphone (notamment ses soudures et ses composants micro-électroniques) utilise des métaux rares que l’on retrouve essentiellement sur le continent africain. Parmi eux, 300mg d’argent, 30mg d’or ainsi que du cuivre, du tantale (dans les micro-condensateurs), de l’aluminium, du lithium, du platine ou encore du coltan et du cobalt[1]. Les composants sont soudés entre eux à l’aide d’un alliage plomb-étain, ce dernier étant notamment issu du minerai de cassitérite.

Intéressant, penserez-vous ? D’autant plus intéressant si l’on croise ces informations avec la stratégie économique des grandes entreprises de haute technologie, et avec la carte des ressources mondiales en minerais ferreux…

D’après les données représentées par la carte ci-dessus, l’essentiel des métaux utilisés dans la production de smartphones provient de Chine, d’Amérique du sud, d’Australie et d’Afrique centrale (Congo, Rwanda). Or, un smartphone est composé, en moyenne, de 40 à 60% de métaux[2] dont moins de 0,5 % de métaux précieux (comme Au, l’or, ou Ar, l’argent, trouvés principalement en Océanie et au Pérou). La plus grande part des minerais ferreux proviennent donc de Chine et d’Afrique : c’est sur la République démocratique du Congo et plus exactement sur les mines situées au Nord-Est de ce pays (le Nord-Kivu), que nous centrerons notre attention dans cet article.

 

Le procédé de division du processus de production et les stratégies d’approvisionnement des firmes multinationales de haute technologie évoquées placent la RDC au centre d’une réflexion économique rationalisée, cherchant à minimiser les coûts et à maximiser les avantages d’un tel ravitaillement.

Plusieurs facteurs rendent la République démocratique du Congo attractive pour les grands de la high-tech. A titre d’avantages comparatifs nous pouvons notamment citer : la faiblesse de l’appareil d’Etat[3], le haut niveau de corruption[4], la faiblesse des contraintes fiscales, environnementales et des droits de la main d’œuvre[5].


Parmi les entreprises intégrant des minerais congolais issus de mines en conflits et/ou participant indirectement à des violations des Droits de l’Homme (dont la plus dénoncée est l’exploitation d’enfants), nous pourrions citer la quasi-totalité des « géants » des NTIC que nous connaissons : de Samsung à Apple en passant par Nokia, Microsoft, Lenovo, Google… [6] Pour autant, pas toutes ne se valent dans leur tentative de respecter les injonctions de la communauté internationale (particulièrement les Conventions de l’OIT) vis-à-vis des droits humains. En effet, selon une enquête menée par Amnesty International, en collaboration avec African Resources Watch, seules Apple et Samsung SDI auraient pris des « mesures convenables » pour contrôler la provenance des minerais utilisés dans leur processus de production depuis 2016, tandis que la grande majorité des entreprises soumises à l’investigation, notamment Sony, Samsung Electronics, Microsoft, Lenovo, Vodafone, et Huawei n’aurait pris que des « mesures minimales voire aucune mesure[7] ».

Pour mieux comprendre la situation actuelle, replongeons-nous dans le processus historique qui a contribué à placer la République démocratique du Congo au cœur des problématiques introduites plus haut. Depuis le XIXe, la République démocratique du Congo (anciennement le Zaïre) a été un exutoire au surplus démographique du Rwanda et du Burundi, dont les populations y ont trouvé un climat idéal pour leur activité essentiellement agricole et pastorale. Le différentiel de densité de population entre le Rwanda et le Nord-Kivu est, aujourd’hui encore, significatif et constitue un potentiel conflictuel fort[9].


La première guerre à faire rage dans la région a opposé les autochtones et les immigrés rwandais entre 1963 et 1965 et fut canalisée par le dictateur Mobutu. Après sa chute et du fait de l’affaiblissement du pouvoir central congolais, les tensions se sont réveillées dans les années 1990. Ces guerres tribales, et c’est là tout l’intérêt de leur mention dans notre article, sont fondamentalement des guerres de ressources,  cristallisées autour de la propriété foncière. La situation se complexifie encore avec l’arrivée sur les terres congolaises de plus d’un million de réfugiés Utu dans le Nord-Kivu suite au génocide Rwandais, en 1994. Ces groupes, représentaient dans l’imaginaire de Paul Kagame (président du Rwanda), une menace pour son pays dans le cas où elles se militariseraient et se retourneraient contre celui-ci. Ainsi, dès 1996, le Rwanda envoie son armée en terre congolaise pour détruire les camps Utu. Par une prophétie auto-réalisatrice, les tribus Utu réagissent en formant de réelles milices armées, tirant leurs principales ressources des revenus des mines locales.

A ce conflit local, s’ajoute très rapidement une dimension globale du fait de l’intérêt croissant des puissances étrangères pour les ressources congolaises, dont l’accaparement semble facilité par les tensions inter-ethniques. En effet, entre 1997 et 2002, les choix diplomatiques étrangers en RDC deviennent un « scandale géologique et humanitaire»[10] : malgré la mise en place par le Conseil de sécurité de l’ONU de la MONUC[11] visant à instaurer un cessez-le-feu entre les belligérants, certaines grandes puissances occidentales et asiatiques[12] interviennent en parallèle et de manière indirecte dans le conflit en armant les acteurs, en contrepartie de quoi elles bénéficient de permis tacites d’exploitation de certaines mines situées au cœur des « zones de conflit »[13]. Les terres-rares deviennent donc centrales dans la guerre puisqu’elles constituent la monnaie d’échange pour la défense des populations locales. C’est à ce moment-là que les métaux disponibles en RDC entrent de plein droit dans la stratégie des firmes occidentales, dont l’accès est facilité par le conflit[14].


La fin officielle de la 2ème guerre du Congo date de 2003 et est scellée par le repli des troupes étrangères (notamment les troupes des puissances régionales). Pour autant, l’exploitation illicite des ressources minières n’a pas été stoppée. Désormais, si ce ne sont pas les puissances étrangères qui administrent et gèrent officiellement les mines, ce sont bien elles (par l’intermédiaire des firmes précédemment mentionnées) qui en sont les bénéficiaires. En effet, sur le terrain, les milices locales armées sont les coordinatrices de l’extraction et constituent des acteurs à part entière dans le processus d’acheminement de ces minerais vers les pays transformateurs et distributeurs[15].


Intéressons-nous de plus près à ce cheminement dans sa globalité : la première étape est celle de l’extraction. Elle met en scène des acteurs violents : groupes armés de villageois, et milices « professionnelles », qui se financent en prélevant une taxation illégale sur les minerais. Cette taxation frappant les populations locales peut être pécuniaire ou, dans la plupart des cas, en « nature », c’est à dire basée sur l’exploitation humaine et la traite des populations, notamment des enfants, constituant une main d’oeuvre flexible et docile. La deuxième étape, le transit, est effectuée à dos d’hommes vers la capitale du Nord-Kivu. On y mélange les minerais issus des différentes mines de la région. Parmi ces minerais, la cassitérite (composant de l’étain), le coltan, le cobalt et dans une moindre mesure l’argent et l’or[16] sont prédominants et font de nouveau l’objet d’une taxation (revenant aux milices, largement soutenues par des lobbies et firmes transnationales).

 La phase suivante est celle du tri : à Bakau, les négociants de comptoirs officiels et officieux fixent les prix des minerais et la majorité de ces substances sont détournées par des réseaux de contrebande. Vient ensuite la quatrième phase : celle de l’exportation. Les terres rares sont acheminées vers le Rwanda, et c’est depuis cet Etat qu’elles sont commercialisées et exportées vers les marchés internationaux. C’est seulement à cette étape que les firmes multinationales entrent de manière officielle dans le « jeu ». En outre, on peut noter une nette appréciation du prix de ces minerais, une fois extraits, notamment du fait de la spéculation exercée sur leurs marchés. Au cinq décembre 2018, le cours de l’étain se situait autour de 19 200 dollar/tonne[17]. La matière première est ensuite acheminée vers des fonderies asiatiques où elle est raffinée. Dans le cas de la cassitérite par exemple, c’est à Shenzhen[18] que l’on en fait de l’étain, principal métal utilisé pour les soudures internes aux appareils électroniques. Vient ensuite la transformation et l’assemblage des divers matériaux « internationaux », de sorte à créer le produit fini, enfin distribué sur les marchés mondiaux. Cette dernière étape est la plus visible : les FTN importent ces produits composés de minerais tachés de sang et les distribuent sur les marchés principalement européens, américains et asiatiques, sans être soumis à une quelconque obligation de traçabilité, la mention « Made in China », camouflant largement la réalité de l’origine de nos bijoux technologiques.

La mine de Bisié, située dans le Nord-Kivu, est le théâtre d’un conflit qui prend de l’ampleur depuis le début de l’année 2018. Les autorités ont confié il y a près de deux ans son exploitation à une entreprise américano-sud-africaine (Alphamin)[20], ce qui suscite l’opposition des mineurs artisanaux et des populations locales, s’estimant lésées par le nouvel exploitant.

Les contraintes sont nombreuses, tout d’abord, notons la longueur extrême et le danger du trajet des mineurs pour arriver jusqu’à la mine (traversée de forêts, de rivières), sachant qu’environ 70% des travailleurs proviennent d’une autre région. Ensuite, arrêtons-nous sur la difficulté et la précarité des conditions de travail sur place : au cœur de puits très profonds dont le risque d’éboulement est important (notamment du fait de la précarité des installations et du fait des conditions climatiques), les travailleurs peuvent espérer extraire 8 à 10 kg de minerai par jour (au cours de journées de plus de 12 heures de travail), chacun vendu pour la somme de 2 dollars. Si ce niveau de revenu est relativement haut pour le pays (où le salaire moyen d’un congolais est de 1 à 3 dollar/jour), il se heurte au niveau extrêmement élevé du cout de la vie dans la mine, où une simple bouteille d’eau vaut 3 dollars[21]. Vient ensuite la question de l’exploitation des populations dont la voix n’est pas entendue, la politique de consultation affichée par Alphamin, étant largement remise en cause dans l’investigation menée sur place, par les observateurs indépendants.

On peut mentionner notamment des projets dont les documents descriptifs distribués aux populations n’ont pas été traduits dans leur langue d’origine, preuve d’un large déficit démocratique dans la gestion et l’administration de la mine, où près de 10 000 creuseurs sont actifs. Enfin, au-delà des extracteurs, la problématique s’étend à une série d’acteurs, parmi lesquels des familles entières, s’étant installées aux alentours de la mine, créant une véritable agglomération dont les institutions (écoles, hôpitaux, habitations, circonscription électorale pour les présidentielles) sont désormais dépendantes des logiques conflictuelles entre milices armées (notamment les Cheka ou les Simba), entreprise étrangère et travailleurs précaires (dont les contrats sont journaliers).

Face à ces problématiques, l’entreprise Alphamin souligne les bénéfices de sa politique socialement responsable. Elle parle de la création de 1000 emplois directs d’ici la fin 2019 et de 8400 emplois indirects d’ici 2031, d’un total de 840 millions de dollars d’avantages fiscaux pour la RDC (dont 15% seraient reversés au niveau local), de la réhabilitation des axes de communication autour de la mine, ainsi que d’un budget de 4% alloué à l’action socio-responsable de l’entreprise. Ces fonds, sont répartis entre 115 projets et ont vocation à être mis en œuvre par un organisme local à but non lucratif, l’Alliance Lowa[22]. Pourtant, interrogés sur ces projets, les représentants de la société civile locale estiment que la plupart d’entre eux sont des « coquilles vides, dont la décision et la mise en œuvre n’ont pas été discutées en connaissance des réalités locales ». Ils estiment attendre de voir les réalisations réelles, tout en se disant « sceptiques » sur la concrétisation desdits projets.

Au-delà du coût humain de cette industrie, penchons-nous sur ses conséquences environnementales.

Tout d’abord, il est nécessaire de noter que la plupart des mines sont exploitées à ciel ouvert, ce qui signifie qu’il faut pomper les nappes phréatiques mais aussi déboiser les espaces nécessaires, aboutissant à des conséquences dramatiques sur la perte de volume des forêts et donc de leur capacité d’absorption du CO2. Ensuite, les minerais sont emprisonnés sous une couche de sol (« morts-terrains ») qui doit être excavée. Or, les poussières toxiques de ces « morts-terrains » sont rejetés dans l’air, polluant ainsi l’air ambiant pour la biodiversité existante. Lors de l’excavation, les déchets toxiques, au contact de l’air et de l’eau peuvent se transformer en « acide minier ». Si cet acide n’est pas drainé correctement, il se faufilera dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, rendant plus difficile et toxique la vie de la faune et de la flore. Un autre type de pollution dont on parle peu, mais qui doit être ici mentionné est la pollution sonore et les vibrations engendrées par les travaux miniers qui ont une forte incidence sur la faune résidente : en perturbant leur écosystème cela pousse les espèces à migrer, entrainant avec eux la migration d’autres espèces.[23]


Une autre dimension importante à relever est l’impact écologique du transport de ces ressources vers les régions de transformation et de consommation. Tout transport inclue des externalités négatives sur l’environnement, qu’il s’agisse du transport maritime, ferroviaire, routier ou aérien. Dans le monde, 80% des marchandises transitent par voies maritime. Ce mode de transport est à l’origine de 2.7% des émissions mondiales de CO2 (UNCTAD, 2013). A ceci s’ajoutent des externalités négatives telles les marées noires ou les accidents de transport, la pollution atmosphérique liée au transit des marchandises via cargo, la pollution aquatique, sonore mais aussi les externalités des hubs comptabilisant une somme importante de facteurs polluants et néfastes pour l’environnement, dont les Hommes font aussi partie.[24]


Si l’environnement est perturbé, les ressources vitales comme l’eau ou la nourriture le sont aussi. Si les espèces migrent vers des régions plus tranquilles, leurs prédateurs feront de même afin de subsister. Mais si les espèces migrent, quelles proies restera-t-il à l’Homme pour se nourrir ? On assiste dès aujourd’hui à des mouvements de populations mais aussi à des conflits dus à la raréfaction des ressources. L’insécurité hydrique et alimentaire participent de la montée de la violence car la lutte pour les ressources rares devient plus forte.

Mais n’avons-nous pas déjà assisté à des conflits identitaires entre population-hôte et population-réfugiée ? Ces quelques éléments énoncés sont autant d’enjeux sécuritaires internationaux qui attendent des réponses.

Si ces problématiques ne sont pas volontairement cachées aux yeux de la communauté internationale et de l’opinion publique, elles ne sont pas pour autant relayées avec intensité dans les médias[25]. Combien de campagnes de sensibilisation se dressent face aux campagnes marketing faisant la promotion d’objets tachés de sang humain ? Face à un système d’exploitation entériné et institutionnalisé, la responsabilité n’incombe pas uniquement aux acteurs effectivement criminels sur le terrain. Elle est en réalité diluée, et touche entreprises, lobbies et jusqu’aux consommateurs qui, s’ils ne s’en portent consciemment garants, sont les responsables implicites de la pérennité d’un tel système.

Les cris d’alarme des ONG (comme Amnesty International ou Humanity in Action) ont été étouffés depuis des années par les sociétés minières et les lobbies multiples dont les intérêts économiques sont liés à l’exploitation violente et illégale de ces mines. En réponse, et pour enrayer le processus, la Communauté internationale a établi à Londres, (après sa présentation officielle par Tony Blair en 2002 à Johannesburg) l’ITIE (l’initiative pour la transparence des industries extractives). Du fait de l’absence de mécanismes juridiques contraignants à l’échelle globale[26], cette initiative diplomatique s’est soldée par un échec, malgré quelques avancées : par exemple, le principal trader belge de minerai (Traxis) a suspendu ses achats de cassitérite congolaise en 2009, dans un souci de re-valorisation de son image[27].


Suite au relatif échec de la solution diplomatique, c’est la solution de la réglementation unilatérale qui s’est imposée, impulsée par les Etats-Unis d’Amérique sous les mandats de Barack Obama. En juillet 2010, le congrès vote la loi « Dodd Franck »[28], dont la section 1502 oblige la RDC à se mettre en conformité avec les exigences de la « diligence raisonnable ». Il s’agissait de mettre en place une obligation de transparence pour les entreprises américaines important des minerais provenant de la RDC, et d’installer un embargo de facto sur celles qui exploitaient des mines « en conflit ». Cependant, les effets pervers générés par cette politique ont été plus néfastes que ses effets bénéfiques escomptés : d’une part, les commerçants et militaires, loin d’abonner leur logique l’ont reportée sur le trafic de l’or et d’autre part, les premières victimes de ces sanctions ont été les creuseurs et leurs familles, dont les revenus provenaient essentiellement de cette activité minière[29]. A cet échec pratique de la loi (qui a été malgré tout un outil utilisé par les ONG sur le plan humanitaire) s’ajoute un défi récent, incarné par la personne de Donald Trump, considérant cette norme comme un « désastre »[30] pénalisant la croissance, les entreprises et les consommateurs américains[31].


En complément de ces initiatives inter et intra gouvernementales, des initiatives privées ont émergé pour lutter contre l’utilisation de minerai issus de conflits en RDC. L’une des plus célèbres, créée en 2008 par la Coalition citoyenne de l’industrie électronique[32] et l’Initiative pour la e-soutenabilité globale[33], est la « Conflict source initiative » qui n’est pas une régulation contraignante mais plutôt un ensemble d’outils (bases de données consultables en lignes, guidelines, ateliers, débats organisés avec la société civile et les gouvernements…) proposés aux entreprises qui souhaitent s’y engager. A l’heure actuelle 180 entreprises font partie du réseau CFSI, parmi lesquelles la grande majorité des « grands » de l’électronique et du numérique tels qu’Apple, Lenovo, Microsoft, Google, Nokia, Samsung[34]… Pour autant, malgré le caractère relativement encouragent de cette initiative, il est nécessaire pour chaque lecteur d’exercer un regard critique à son égard, comme nous le conseille Daphné Joseph Gabriel dans son article « Your Phone, Coltan and the Business Case for Innovative Sustainable Alternatives »[35], notamment au regard de son indépendance qui peut être critiquable, de son efficacité relative (nombre des entreprises qui en font partie continue à exploiter des minerais de conflits) ainsi que relativement à son coût d’adhésion, effectuant de facto une sélection entre les firmes pouvant profiter de ces conseils[36].


Qu’elles soient privées ou publiques, les tentatives de réponse au fléau des terres rares issues des conflits en RDC précédemment évoquées ont leurs inconvénients. Partielles, elles ne répondent que difficilement aux défis à la fois techniques, environnementaux, économiques, politiques, sociaux humanitaires qui se posent. Elles ont aussi comme principal défaut d’être éloignées du pouvoir d’action des individus eux-mêmes en leur qualité de consommateurs et utilisateurs de technologies. Alors est-il possible d’agir à l’échelle individuelle ? 

Au-delà des restrictions et oppositions évoquées, existe-t-il des solutions concrètes et créatives accessibles à tous afin de contrer ce problème multiforme ?

 

Voici trois solutions originales pour une consommation technologique responsable.