Cette semaine, l’Ukraine a lancé une série d’attaques sans précédent contre des bases militaires russes, marquant une inflexion majeure dans la guerre. Utilisant des drones explosifs et des opérations coordonnées, Kiev démontre une capacité offensive accrue sur le sol ennemi, tandis que Moscou promet des représailles. Retour sur une offensive stratégique qui pourrait changer le cours du conflit.
Une opération d’envergure au cœur de la Russie
Le 1er juin 2025, l’Ukraine a déclenché l’opération « Toile d’araignée »[1], ciblant plusieurs bases aériennes russes situées loin du front, y compris en Sibérie. Cette attaque d’une ampleur inédite a été menée par le Service de sécurité ukrainien (SBU), qui affirme avoir détruit ou endommagé plus de 40 avions russes, dont des bombardiers stratégiques Tu-95 et Tu-22M ainsi que des appareils de surveillance A-50.
Les drones utilisés, habilement dissimulés dans des structures civiles ou des camions, ont franchi des milliers de kilomètres avant de frapper leurs cibles avec précision. Pour les autorités ukrainiennes, cette démonstration de force représente une victoire tactique majeure. Le président Volodymyr Zelensky a salué l'opération comme « brillante » et symbolique de la montée en puissance technologique de l’Ukraine.
Le pont de Crimée à nouveau visé
Le 3 juin, Kiev a revendiqué une autre attaque stratégique : celle du pont de Crimée, qui relie la péninsule annexée à la Russie continentale. Selon le SBU, des explosifs sous-marins ont visé les piliers du pont. Bien que Moscou affirme que l'infrastructure reste opérationnelle, les dégâts seraient significatifs et rappellent les précédents coups portés à cet axe vital pour la logistique russe[2].
Ripostes russes et réactions internationales
En réponse, la Russie a intensifié ses frappes sur l’Ukraine. Dans la nuit du 4 au 5 juin, Kharkiv a été lourdement bombardée, faisant au moins 17 blessés, dont des enfants[3]. D’autres attaques dans le nord du pays ont causé plusieurs morts, notamment dans la région de Tchernihiv.
Le Kremlin, par la voix de Dmitri Peskov, a dénoncé des actes de « terrorisme d’État » et promis de « répondre au moment et de la manière qu’il jugera appropriée »[4].
Des pourparlers fragiles à Istanbul
Paradoxalement, ces escalades militaires coïncident avec l’ouverture de pourparlers de paix à Istanbul. L’Ukraine y a envoyé une délégation exigeant notamment un cessez-le-feu et le retour des enfants déportés. Mais face à la montée des tensions, peu d’observateurs croient à une percée diplomatique à court terme[5].
Une nouvelle phase du conflit ?
Ces frappes profondes, conjuguées à l’échec des négociations, marquent une nouvelle phase du conflit. L’Ukraine montre qu’elle peut frapper loin, fort et avec précision, tandis que la Russie, confrontée à une vulnérabilité croissante sur son propre territoire, pourrait réagir avec une intensité accrue. Le conflit semble désormais s’ancrer dans une logique de guerre totale, où le territoire russe n’est plus hors d’atteinte.
[1] AP News. (2025, June 1). Ukraine’s spy agency says it used drones to hit bombers deep inside Russia in major attack. https://apnews.com/article/18966d4b286ffb6f4e764b94a6afaf61
[2] Le Figaro. (2025, June 3). Le pont de Crimée endommagé après une attaque ukrainienne à l’explosif. https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-le-pont-de-crimee-endommage-apres-une-attaque-ukrainienne-a-l-explosif-20250603
[3] Le Monde. (2025, June 5). Kharkiv a été bombardée cette nuit, faisant dix-neuf blessés. https://www.lemonde.fr/international/live/2025/06/05/en-direct-guerre-en-ukraine-kharkiv-a-ete-bombardee-cette-nuit-faisant-dix-neuf-blesses_6609764_3210.html
[4] Reuters. (2025a, June 5). Russia says it will respond to Ukrainian attacks as and when it sees fit. https://www.reuters.com/world/russia-says-it-will-respond-ukrainian-attacks-when-it-sees-fit-2025-06-05
[5] Financial Times. (2025, June 1). Ukraine’s deep strike drone strategy reveals new capabilities. https://www.ft.com/content/16f33b02-b337-49da-802b-18659582f723
En visite à Paris ce 5 juin 2025, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a exhorté Emmanuel Macron à soutenir la signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Malgré les réticences françaises, le chef de l’État brésilien multiplie les appels à la coopération économique entre les deux blocs.
Lula presse Paris de conclure
C’est à l’Élysée que Lula a lancé un vibrant plaidoyer en faveur de l’accord UE-Mercosur. Lors d’une conférence de presse conjointe avec Emmanuel Macron, il a invité ce dernier à faire preuve d’ouverture : « Mon cher Macron, ouvrez un petit peu votre cœur pour cette possibilité de conclure cet accord avec notre cher Mercosur »[1]. Le président brésilien, déterminé à faire aboutir les négociations avant la fin de la présidence brésilienne du Mercosur, a également souligné que cet accord serait une réponse stratégique face au retour du protectionnisme dans le monde.
Les réserves françaises
En France, l’accord UE-Mercosur suscite depuis des années une vive opposition, notamment dans le secteur agricole. Emmanuel Macron a réitéré ses craintes, soulignant les divergences réglementaires entre les deux blocs : « Nous avons demandé à nos agriculteurs de changer de méthode, mais les pays du Mercosur ne sont pas au même niveau ». Le chef de l’État français a insisté sur la nécessité de garantir des clauses environnementales et des mécanismes de sauvegarde pour protéger les filières sensibles, comme l’élevage bovin.
Un contexte favorable à l’accord
Malgré ces tensions, le contexte international joue en faveur d’une relance des discussions. Le président du Conseil européen, António Costa, a exprimé son ambition de conclure l’accord d’ici décembre 2025, y voyant un message fort en faveur de la stabilité économique mondiale[2]. Le texte négocié depuis plus de vingt ans permettrait la création d’un marché commun de plus de 780 millions de consommateurs, devenant ainsi l’un des plus vastes accords de libre-échange au monde[3].
Lula joue la carte de la diplomatie directe
Déterminé à emporter l’adhésion française, Lula a même proposé de rencontrer directement les agriculteurs français pour les rassurer. Il a affirmé être prêt à « aller discuter sur le terrain » et expliquer que le Brésil respecte désormais des standards environnementaux plus élevés. Cette stratégie vise à désamorcer la fronde agricole tout en maintenant la pression sur Paris.
Une signature encore incertaine
Malgré une volonté commune de ne pas rompre le dialogue, la conclusion de l’accord reste incertaine. Le président français doit composer avec une opinion publique largement défavorable et un secteur agricole mobilisé contre ce qu’il perçoit comme une concurrence déloyale. Lula, quant à lui, joue une partie diplomatique majeure pour asseoir l'influence commerciale du Mercosur. Si le sommet de décembre 2025 est présenté comme la date butoir, de nombreux obstacles politiques et environnementaux devront encore être levés pour aboutir à une signature définitive.
[1] Le Monde. (2025, June 5). Lula exhorte Macron à conclure l’accord commercial UE-Mercosur. https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/06/05
[2] El País. (2025, May 29). La UE y Brasil aspiran a cerrar el acuerdo comercial en diciembre para enviar un mensaje global de estabilidad. https://elpais.com/america
[3] AP News. (2025, May 30). The EU and a South American trade bloc reach a giant trade deal after 25 years of talks. https://apnews.com/article/44ca8d0eef524b84014ad266c286f8fe
À quelques mois de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre 2025, la Commission électorale indépendante (CEI) de Côte d’Ivoire a annoncé l’exclusion définitive de quatre leaders de l’opposition du scrutin. Cette décision, justifiée par des motifs juridiques, suscite de vives réactions et ravive les tensions politiques dans le pays.
Quatre figures de l’opposition écartées
Le 4 juin 2025, la CEI a confirmé l’exclusion de Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro de la liste électorale, les rendant inéligibles pour la présidentielle. Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et ancien PDG de Credit Suisse, a été radié en raison de sa double nationalité franco-ivoirienne au moment de son inscription, bien qu’il ait renoncé à sa nationalité française en mars 2025[1].
Laurent Gbagbo, ancien président, et Charles Blé Goudé, son proche collaborateur, sont exclus en raison de condamnations judiciaires antérieures. Guillaume Soro, ex-Premier ministre et leader du mouvement Générations et peuples solidaires (GPS), a été condamné par contumace à la prison à vie pour tentative de coup d’État en 2021[2].
Réactions et contestations
Le PDCI a qualifié ces exclusions d’« injustes » et a appelé à des manifestations nationales pour « défendre la démocratie ». Tidjane Thiam a dénoncé une dérive autoritaire et a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies pour contester sa radiation.
Le Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo a également critiqué la décision, estimant que les autorités ont ignoré les appels au dialogue et à la raison. Simone Ehivet Gbagbo, ancienne Première dame et candidate déclarée, a exprimé des inquiétudes quant à la possibilité d’une élection « paisible et calme » dans ces conditions.
Un climat politique tendu
Ces exclusions interviennent dans un contexte politique déjà tendu. La présidentielle de 2020 avait été marquée par des violences et un boycott de l’opposition, suite à la candidature controversée d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat. Le président sortant n’a pas encore annoncé s’il se représenterait en 2025, mais son parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), doit désigner son candidat fin juin.
La CEI a indiqué qu’aucune révision de la liste électorale n’aurait lieu avant le scrutin, malgré les demandes de l’opposition. La liste actuelle compte 8,7 millions d’électeurs dans un pays de 30 millions d’habitants, dont près de la moitié ont moins de 18 ans[3].
Vers une élection contestée ?
L’exclusion de ces figures majeures de l’opposition soulève des inquiétudes quant à la transparence et à l’inclusivité du processus électoral. Des observateurs craignent une répétition des troubles post-électoraux de 2010 et 2020. La communauté internationale est appelée à surveiller de près l’évolution de la situation pour prévenir toute escalade de la violence.
[1] Reuters. (2025, 4 juin). Ivory Coast's final electoral list excludes opposition leader Thiam. https://www.reuters.com/world/africa/ivory-coasts-final-electoral-list-excludes-opposition-leader-thiam-2025-06-04/
[2] AP News. (2025, 4 juin). Ivory Coast opposition leader Thiam is excluded from the list of presidential candidates. https://apnews.com/article/ea70420e6bade3c8f13d6d6109d2ab57(apnews.com)
[3] Al Jazeera. (2025, 4 juin). Key Ivory Coast opposition figures banned from October presidential vote. https://www.aljazeera.com/news/2025/6/4/key-ivory-coast-opposition-figures-banned-from-october-presidential-vote
Articles rédigés par Seydou Abass Traoré